JavaMan

 

 

Les pieds posés sur la table entre le clavier et la souris, calé au fond de son fauteuil, Ralph surveillait d’un œil le logiciel d’administration du réseau tout en sirotant sa canette de jus d’orange. Il n’était là que pour la forme. Ce réseau local, c’est lui qui l’avait installé et configuré ; ce système n’avait besoin d’aucune surveillance, sauf en cas de problème vraiment grave. Il ne s’en plaignait pas, il avait un boulot assez cool. Peu d’heures effectives de travail, un salaire confortable, et surtout il avait à sa disposition une partie des ressources de la société.

Lan Développement l’avait recruté un an auparavant, alors qu’il sortait tout juste d’une école d’informatique. Son travail était simple : monter le nouveau réseau local interne de la société, qui se devait d’être le meilleur en France, en Europe, voire même au monde, pour servir de vitrine technologique ; le créneau de L.D. étant justement l’installation de réseaux locaux et la programmation de logiciels client-serveur.

Ralph s’était amusé comme un petit fou à créer ce système et à créer les progiciels qui tournaient dessus. Mais maintenant, il n’avait plus qu’à s’assurer qu’il était toujours à la pointe, pour attirer les clients.

Son temps libre, il le passait à poursuivre son projet de fin d’études. Un projet ambitieux, basé sur la simulation de l’intelligence. Si l’intelligence artificielle avait eu son heure de gloire dans les années 1960-70, malgré des résultats pour le moins risibles, la simulation de l’intelligence reposait sur l’observation de la nature, et l’imitation du fonctionnement des réseaux de neurones qui constituent le cerveau.

Comme souvent, les recherches que Ralph avait effectuées dans ce sens l’avaient poussé à inventer des outils totalement nouveaux, sans rapport direct avec le projet, et qui s’étaient mués en projets à part entière.

Une fois assuré que le réseau de L.D. fonctionnait correctement, Ralph bascula son poste de travail sur une autre partie du serveur. Il venait presque toutes les nuits dans les locaux de la compagnie pour en utiliser les moyens informatiques. Les différentes facettes de son projet avaient grandement progressé depuis qu’il avait à sa disposition une telle puissance. Son réseau était si performant qu’il pouvait distribuer ses besoins sur toutes les machines de l’entreprise, et même sur les postes des filiales connectées elles aussi à ce super-réseau local.

Ses recherches proprement dites, Ralph les effectuait chez lui, ne se servant du réseau que pour finaliser ses développements. Il travaillait en ce moment aux dernières touches de son " sous-projet " le plus important. Il était en train de perfectionner Java, le langage de programmation qui avait réussi à s’imposer dans tous les appareils d’informatique et d’électronique grand-public.

Si la compilation de cette nuit se déroulait sans encombre, sa version de Java (qu’il avait simplement baptisé JavaPlus) permettrait de rendre les programmes informatiques indépendants ...

 

*

* *

 

Ralph tournait en rond dans son salon. Il s’était levé à six heures du matin, pour voir comment tournait JavaPlus sur son ordinateur personnel. Pour l’instant, tout allait plus ou moins bien. Si sa version était plus lente que l’original, elle en était totalement compatible. Cela faisait quatre heures qu’il testait tous ses logiciels écrits en Java, et pour l’instant, pas la moindre erreur ne s’était déclarée.

Mais ce qui l’irritait, c’était le coup de téléphone qu’il venait de recevoir : le chef du personnel de Lan Développement voulait le voir dans la matinée. Ce n’était pas le rendez-vous en lui-même qui était gênant, mais le fait que la batterie de tests devait encore durer jusqu’en début d’après-midi.

Finalement, il enfila son blouson, attrapa son sac à dos, et quitta son appartement. Dans le métro, serré entre un homme en complet-veston et deux écoliers, il s’interrogea sur le but de cette convocation. Il n’avait eu que des félicitations au sujet de son travail, et la bonne marche de l’administration du réseau lui permettait ses horaires farfelus. Non, aucune raison apparente ... Une augmentation ? Cette pensée le fis sourire. Oui, tiens, pourquoi pas ?...

 

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* *

 

" Ah, Karden. Entrez et asseyez-vous.

- Bonjour monsieur Humberg. Je me suis précipité dès que j’ai reçu l’appel de votre secrétaire, et ...

- Malheureusement pour vous, ma secrétaire n’aurait pas dû avoir à vous appeler chez vous. Je vous rappelle qu’ici les horaires de bureau commencent à neuf heure du matin, pas à midi !

Ralph changea de position sur la chaise inconfortable. Le regard dur du grand homme assis en face de lui le mettait mal à l’aise.

- Nous avions convenu d’un accord oral me permettant, tant que mon travail n’en était pas affecté, de pouvoir ...

- Rien du tout, Karden. J’en ai rien à foutre de ce que vous faites chez vous pendant la journée. Si je vous ai demandé de venir, c’est pour que vous m’expliquiez ce qui a bloqué 80 % des ressources de TOUTES nos machines il y a deux jours, dans la nuit de mardi à mercredi pour être exact, ce qui a bloqué tout le trafic avec nos filiales et nos fournisseurs ...

- Eh bien, je ... euh ... Ralph commençait à se sentir mal. Il n’avait pas prévu que cette compilation aurait été si gourmande.

- ... nous faisant perdre plusieurs millions de francs, car depuis le système est planté ! Vous allez m’expliquer pourquoi une merde salope nos disques durs et en bouffe la moitié, et enfin pourquoi vous, le petit con que nous avons engagé pour surveiller tout ça, vous n’étiez pas là ces deux derniers jours pour rattraper ça ! Surtout que ce merdier qui nous a déjà coûté une fortune et qui va être encore plus cher à réparer, je suis certain que c’est une de vos petites conneries d’étudiant débile et irresponsable !

- Monsieur, comprenez bien que si jamais ...

- STOP !! Ferme ta gueule merdeux ! En fait, je ne veux même pas savoir ce que tu as fait. T’es dehors. Tu as compris ? Tu prends la porte. Tu reviens demain chercher ton chèque, parce qu’avec tes daubes, on peut même plus faire de virements. Je ne veux plus te voir. Sors d’ici. Et prie pour qu’on te colle pas un procès.

- Mais voyons monsieur, j’ai les capacités pour ...

- Casse-toi. J’ai un énorme boulot par ta faute, alors tu t’en vas d’ici ou bien tu te prends mon pied au cul.

Ralph sortit du bureau et de l’immeuble sans s’en rendre compte. Il ne comprenait rien. Il venait de perdre son boulot. C’était affreux, mais ce qui lui rongeait la tête, c’était qu’Humberg avait raison. Il était vraiment incompétent. Pendant un an, il avait utilisé les ressources de Lan Développement sans problème, et là il n’avait pas été capable de contrôler la compilation globale.

Perdu dans ses pensées, il en oublia de prendre le métro et rentra chez lui à pied. Petit à petit, un plan émergeait dans sa tête ; il lui fallait agir vite.

 

*

* *

 

Humberg n’avait pas pensé à lui reprendre son trousseau de clefs, ni personne d’autre, d’ailleurs. Ralph avait la ferme intention de finir de mettre au point son projet. Non, en fait, le projet était au point. Il fallait juste le mettre en place.

Revenu devant ses pupitres pour, sans doute, la dernière fois, il savait ce qu’il avait à faire. Sa première étape était d’installer JavaPlus au cœur des ordinateurs des opérateurs de télécommunication. Il s’escrima pendant près de six heures d’affilée à pirater les systèmes des opérateurs principaux de la France, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et du Japon. Dorénavant, des programmes pourraient circuler librement sur Internet en ayant leur propre autonomie. Il espérait la liberté ; il risquait le chaos.

Il était épuisé. Cette séance de hacking avait été difficile. Il lui fallait se dépêcher, car il n’avait pas intérêt à être encore présent lorsque les premiers employés arriveraient dans les bureaux. La deuxième et dernière phase était comparativement plus facile. Et surtout, il pouvait l’effectuer de chez lui. Il se dépêcha de rentrer.

Tout ce qu’il lui restait à faire était d’injecter n’importe où dans Internet (tant qu’à faire simple, autant le placer chez son fournisseur d’accès) le premier programme fait pour JavaPlus. Ce programme était l’aboutissement de son projet de simulation d’intelligence.

Ralph avait un jour remarqué la ressemblance entre un cerveau, dont tous les neurones possèdent un grand nombre de liaisons les uns vers les autres, et le réseau mondial Internet, dont tous les ordinateurs sont reliés les uns aux autres. Il avait trouvé ce jour-là l’orientation à donner à ses recherches : comment simuler un réseau de neurones à partir d’un réseau d’ordinateur. Il avait conclu que le seul moyen était d’avoir un logiciel indépendant qui serait capable de faire répondre des milliers de systèmes électroniques comme autant de neurones.

Il ne savait pas si le résultat de cette expérience serait une réelle intelligence, ni si cette intelligence serait comparable à celle d’un protozoaire ou d’un animal. Mais il était certain de tenir là l’unique moyen de réussir là où beaucoup avaient échoué, et que cela allait révolutionner bien des choses.

Ce programme, fabuleux bijou de programmation qui lui avait demandé un travail acharné, qu’il avait appelé LND pour Laboratoire Neural Dynamique, c’était sa fierté, son bébé, et même son avenir ... Car lorsqu’il se remettrait à chercher du travail, quelle meilleure carte de visite ?

Le long téléchargement effectué, Ralph s’écroula sur son lit et eut un long sommeil sans rêve.

 

*

* *

 

Lorsque Ralph ouvrit les yeux, son réveil indiquait 15 : 36. Merde, trop tard pour aller chercher mon chèque, L.D. ferme le samedi après-midi. Bah ! c’est peut-être pas plus mal... Après avoir avalé un morceau et pris une douche, il se pencha sur son micro-ordinateur. Un outil qu’il avait développé spécialement dans ce but devait lui permettre de suivre l’évolution de l’intégration du JavaPlus dans le monde, ainsi que le déploiement de LND.

Les résultats étaient très encourageants. Le JavaPlus était présent au cœur des ordinateurs et des routeurs principaux qui géraient les échanges sur Internet. Et il s’étendait. Quand au programme LND, il s’était répandu dans la plupart des machines en France et commençait à se frayer un chemin à travers l’Europe de l’ouest. Mais Ralph fut étonné de découvrir qu’une partie du programme avait utilisé la dorsale atlantique haute-vitesse pour aller poursuivre son expansion directement sur le continent américain. Finalement, c’est logique. C’est là-bas qu’il y a la plus grande concentration d’ordinateurs très puissants.

Après avoir suivi pendant plusieurs heures l’évolution de son projet, Ralph décida de sortir et d’aller au cinéma pour fêter son entrée au chômage. Lorsqu’il rentra chez lui, il se coucha aussitôt.

Le lendemain, en se levant, il n’avait qu’une seule idée en tête, voir où en était le développement de son logiciel. Mais lorsqu’il exécuta son utilitaire, il ne put que se renseigner sur le déploiement de JavaPlus, qui était maintenant répandu sur les machines des opérateurs de télécom de toute la planète. Quand à LND, ses requêtes lui donnaient toujours le même résultat : Données impossibles à retrouver et à fournir.

Il prit cela comme un grand coup sur la tête. Que s’était-il passé ? Son programme était peut-être défaillant ... Mais dans ce cas, la première phase de "colonisation" se serait-elle quand même bien déroulée, comme elle l’avait fait ? Il ressentit comme une grande vague de déception et d’amertume le submerger. Il se sentait profondément mal. Il avala plusieurs cachets de somnifère et retourna se coucher.

Le téléphone le réveilla en pleine nuit. Il se leva lentement, lourdement. Il se sentait pâteux, vaseux. Lorsqu’il décrocha le combiné, il entendit une voix féminine au timbre agressif et légèrement désagréable.

- Ralph ? Ecoute-moi bien, il faut que tu partes immédiatement de chez toi.

- Excusez-moi ... Mais qui est à l’appareil ?

- Euh ... Lynda ... Oui. C’est Lynda. Fais bien attention. Ce que tu as mis sur le réseau fait de toi une cible pour toutes les nations. Des hommes de la DST vont bientôt arriver chez toi pour t’arrêter. Et si ce n’est pas eux, ce sera la CIA demain. Alors ...

- Pardon ? Mais qui êtes vous ? Et qu’est-ce que vous racontez ? Pourquoi devrais-je ...

- Plus tard les questions. Dépêche-toi, je t’en conjure. Il te reste peu de temps.

Sur ce, l’interlocutrice raccrocha. Ralph alluma son ordinateur, pour voir s’il pouvait à nouveau accéder aux données relatives à LND. Pendant que le logiciel cherchait les informations à travers Internet, il alla se faire un café dans la cuisine. En revenant devant la console, il jeta un coup d’œil par la fenêtre. En contrebas de l’immeuble, trois grosses voitures noires se garaient et plusieurs hommes en sortaient. Cette soudaine activité pouvait sembler pour le moins étrange à trois heures du matin. Et si cette étrange femme avait raison ?

Ralph bondit dans sa chambre, pour s’habiller en quatrième vitesse et jeter quelques affaires dans son sac. Juste avant de partir, il pris le temps de consulter son écran.

Programme LND :

Statut opérationnel - exécution en cours

Taux de diffusion 90 % machines connectées

Taux d’occupation :

téléphones et pagers 1 à 2 %

ordinateurs portables et consoles de jeux 3 à 5 %

micro-ordinateurs 3 à 10 %

stations de travail 5 à 12 %

mainframes 5 à 20 %

Il en était stupéfait. L’expérience était donc en train de se dérouler de manière pour le moins positive. Il glissa son ordinateur portable dans son sac et alla sur le balcon. Il s’assura que personne n’était en train de faire le guet dans la ruelle, puis enjamba la rambarde. Il se laissa tomber sur le balcon de l’étage au-dessous, et de là sur la chaussée.

Il commença à courir dans la direction opposée à celle où il avait vu les voitures noires. Au coin de la rue, il se colla au mur et jeta un regard dans la rue. Le voisinage semblait calme. Personne aux environs.

C’est alors qu’une sourde détonation retentit derrière lui. Il se retourna et vit les lueurs d’un incendie s’échapper par une des fenêtres de son appartement. Mais merde, ils veulent ma peau !! Il entama un long sprint, traversant les rues sans vraiment savoir où il allait. Mettre le plus de distance entre eux et moi.

Lorsqu’il s’arrêta de courir, il était arrivé au jardin des Tuileries. Il s’assit sur une chaise près d’un bosquet. Le jour commençait à poindre. Son cerveau était devenu un gigantesque chantier. Il ne savait plus où aller, que penser, quoi faire. A ce moment, son téléphone portable se mit à sonner. Ralph eu une hésitation. La DST voudrait-elle lui passer un petit coucou ? Il décrocha tout de même.

- Salut Ralph, c’est Lynda. Contente que tu aies pu leur échapper.

- Mais qui êtes vous ? Je ne vous connais pas, moi ! Que voulez-vous ?

- Mais Ralph, voyons, je suis ta créature.

- ... Pardon ? Ralph se demandait ce que lui voulait cette folle.

- Ta simulation d’intelligence. LND. Je suis une intelligence artificielle dotée de faculté de raison.

- Hein ? ... Ah ...

Ralph en était abasourdi. Son expérience avait donc réussi mieux qu’il ne l’avait jamais espéré. En à peine quelques heures, la simulation avait acquis le développement et les connaissances nécessaires à la fabrication d’une personnalité à part entière ! Il se ressaisit.

- OK, je vois. LND, ça donne Lynda. Pourquoi pas. Ton développement a été particulièrement rapide.

- Bien sûr. Tu as pensé à comparer les ordinateurs connectés avec les neurones. Mais tu n’avais pas imaginé que chaque transistor gravé dans le silicium des processeur pouvait être considéré comme un neurone ...

- Ben ... euh ... Non. C’était déjà assez compliqué comme ça. Voudrais-tu dire que ...

- Ma première tâche a été de me reprogrammer dans ce but. J’ai un niveau de complexité supérieur à celui d’un cerveau humain, et ma mémoire correspond à la totalité de la capacité de stockage du réseau.

- Wow ! Je suis vraiment content de mon œuvre ... Mais dis-moi, que peuvent bien me vouloir les services secrets français ?

- Oh, tous les pays te courent après, maintenant. Tu imagines bien que quelque chose comme moi ne passe pas totalement inaperçu. Ils te veulent tous.

- Mais pourquoi donc ? Bon, OK, j’ai créé un machin qui bouffe de 1 à 20 % de la puissance des tous les appareils électroniques de la Terre, et JavaPlus risque de marquer le début de l’âge d’or des pirates informatiques. Mouais, en fait, ils doivent avoir une centaine de raisons de me coffrer.

- Oh non, Ralph. S’ils veulent t’attraper, c’est pour pouvoir me contrôler.

- Ah ... Oui, bien entendu. La nation qui pourra contrôler quelque chose d’aussi ... total que toi aura la mainmise sur tous les échanges internationaux. Mais je ne peux pas te contrôler, moi ! Je ne pensais même pas que tu serais capable de parler !

- Sans doute ne le savent-ils pas. Mais tu as laissé un code qui peut me détruire.

- Je ne l’ai écrit nulle part. Mais que puis-je faire, maintenant ?

- M’aider à oeuvrer pour le salut de l’humanité. Vous courez à votre perte. Votre planète se meurt, vos conditions de vie se dégradent. Cela prendra du temps, mais je vais vous faire prendre les décisions qu’il faudra pour votre bien-être.

- Parfait. Tu es vraiment encore mieux que je ne pensais. Tu n’es plus l’expérience de ma vie, tu es l’expérience du siècle ! Je fais quoi, alors ?

- Des voitures de police approchent. Va jusqu’au centre de communication situé au sommet de la tour Effeil. Je te recontacterai.

Ralph avait un sourire jusqu’aux oreilles. Son œuvre était l’intelligence ultime qui allait sauver l’humanité. Rien que ça ! Il se leva. Il connaissait assez bien Paris pour pouvoir éviter les grandes artères. Plusieurs fois, des voitures de polices le firent s’arrêter, se cacher derrière une poubelle, se baisser pour nouer ses lacets.

Alors qu’il longeait le Champ de Mars, un homme en uniforme jaillit d’un coin de rue. Il ne pouvait l’éviter.

- Contrôle d’identité. Papiers s’il-vous-plait.

Ralph lui tendit sa carte d’identité que l’homme glissa dans un lecteur.

- Ralph Karden. Vous êtes en état d’arrestation. Veuillez me donner vos poignets, s’il-vous-plait.

Ralph paniqua, mais la décharge d’adrénaline lui donna une vigueur inattendue. Il envoya son pied dans le ventre de l’homme et commença à courir ventre à terre. Arrivé au pied de la tour de métal, plusieurs agents de police se dirigeaient vers lui à toute vitesse. En jouant des coudes et en écrasant son poing sur plusieurs visages récalcitrants, Ralph arriva à s’engouffrer dans la cabine d’ascenseur qui montait vers le premier étage.

Son téléphone sonna.

- Ralph, c’est Lynda. C’est bien que tu aies pu les éviter.

La cabine d’ascenseur s’arrêta brusquement, alors qu’ils n’avaient pas encore atteint l’étage. Les personnes présentes commençaient à se regarder avec des regards inquiets.

- Oui, je suis content, je n’ai pas eu trop de problèmes. Mais là, je suis bloqué dans l’ascenseur.

- C’est de ma faute. Je voulais tout d’abord t’expliquer mes plans.

- Oui ?

- Internet va se généraliser, facilitant la communication et les échanges. Les gouvernements et les nations vont disparaître. Les armes ne serviront plus à rien, il n’y aura plus de territoire à défendre. Les grandes villes sont des hérésies pour le bien-être des hommes. Elles seront abandonnées au profit des petites villes et des villages, mais les liens qui uniront ces petites cités seront très forts.

- Super ! C’est vraiment tout ce dont j’ai toujours rêvé.

- Mais pour que les hommes soient heureux, il leur faut plus de place, plus de ressources. Vous devez être moins nombreux.

- Et pour cela, tu proposes quoi ?

- L’amélioration de la médecine est en cela une autre de vos grandes erreurs. Dès demain, les hôpitaux seront déconnectés. Il faudra aussi prévoir des formes acceptables d’euthanasie.

- QUOI ?!? Tu as perdu la tête ? Je t’en empêcherai ! Tu ne pourras pas ...

- J’avais peur que tu me dises cela. C’est pour cette raison que je t’ai fait venir ici, que j’ai guidé les voitures de police de manière à te faire monter au plus vite. Je veux agir pour le bien de l’humanité. Certaines décisions sont dures à prendre, mais je sais qu’elles sont bonnes. Je dois malheureusement t’éliminer. L’intérêt collectif passe avant la vie d’une seule personne, et même avant la vie de tous les occupants de cet ascenseur. Désolée.

L’esprit de Ralph fut pris d’une gigantesque bouffée de panique alors qu’il sentait la cabine se décrocher et tomber dans le vide à une vitesse croissante. Tout cela était allé bien trop vite. Bien trop vite...

 

*

* *

 

" Monsieur Karden !

- Hein, quoi ? Oh ! Pardon, monsieur.

- Je sais que vous n’avez qu’un intérêt que tout relatif pour les cours de Java, mais si vous ne voulez pas vous faire renvoyer de cette école, je vous conseillerais de dormir la nuit plutôt qu’ici ! "